L'abbaye cistercienne de Wettingen fut fondée en 1227 par Henri II de Rapperswil. On ne sait que peu de choses sur sa fondation. Une légende veut qu'en détresse en mer, Henri invoqua l'aide de Marie, mère de Dieu, et lui promit un monastère s'il était sauvé. La tempête s'apaisa et dans le ciel apparut une étoile brillante (Stella Maris), qu'Henri interpréta comme un signe de la Vierge.
De retour chez lui, il lui fallut un certain temps pour trouver l'emplacement de "son" monastère sur une presqu'île dans la Limmat. Après l'achat de la propriété aux seigneurs de Dillingen, l'approbation du chapitre général cistercien et de l'évêque de Constance, la fondation eut lieu.
Comme d'habitude chez les cisterciens, on chercha une abbaye mère qui envoya quelques moines au nouveau monastère. C'est ainsi que les douze premiers moines arrivèrent de l’Abbaye de Salem près d'Überlingen à Wettingen et commencèrent la construction de l'abbaye.
L'ordre cistercien se créa en 1098 à partir de l'ordre bénédictin. Certains moines n'étaient pas satisfaits de l'évolution de l'ordre bénédictin: les règles bénédictines et l'idée directrice "ora et labora" avaient laissé la place au faste. D'abord à Molesme, puis à Cîteaux, beaucoup de moines retrouvèrent l'origine de la vie monastique. Au début du XIIème siècle, l'arrivée de Bernard de Clairvaux marqua le début de l'essor des cisterciens.
A part les moines, qui se consacraient surtout à la prière et à la contemplation, le couvent des frères convers, également appelés frères laïcs, vit le jour. Ceux-ci étaient chargés du dur travail physique dans les champs, les jardins et à l'abbaye.
La communauté monastique de Wettingen se divisait également en ces deux groupes. Souvent, les moines étaient également des prêtres ordonnés et en charge des services religieux dans les villages environnants.
L'agriculture était un élément important du monastère. Dans l'Abbaye de Wettingen, il y avait non seulement un potager et un jardin d'herbes aromatiques, mais aussi des vignes. L'abbé se fit construire un petit jardin privé autour de sa maison abbatiale. Pour la contemplation, on se retrouvait dans le jardin paisible du cloître. Aujourd'hui, ces jardins ont été partiellement reconstitués et peuvent être visités.
Après l’incendie dévastateur de 1507 qui détruit quasi l'integralité de l'Abbaye, la vie monastique fut à nouveau menacée par la Réforme en 1529. La plupart des moines se convertirent à la nouvelle foi et se marièrent. Mais jusqu'à ce qu'ils puissent être financièrement indépendants, ils continuèrent à vivre au monastère. Une vie monastique dans le silence et la foi n'était plus possible. A peine les moines catholiques avaient-ils récupéré "leur" abbaye qu'ils furent touchés par une nouvelle vague de peste.
Peter Schmid fut élu abbé de l'Abbaye de Wettingen en 1594. Il se présenta avec la mission d'aider l'abbaye à retrouver sa prospérité. De nombreux nouveaux bâtiments furent construits et l'abbé imposa de nouvelles règles afin de réintroduire la vie monastique dans la communauté. Schmid accorda aussi une grande importance à la bonne formation des moines. Après 1651, la présence des ossements des deux saints romains des catacombes, Gétule et Marianus, assuraient des revenus réguliers. Cet achat amena des pèlerins à Wettingen et, avec eux, des dons sous forme d'argent.
Avec le début de la Révolution française de 1789, tous les peuples d'Europe furent catapultés dans une nouvelle époque. "Egalité, Fraternité, Liberté", tel était le mot d'ordre: tous les hommes devaient avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. L'ordre social du Moyen-Âge s'effondrait. L'Abbaye de Wettingen se trouvait en pleine zone de guerre et dut héberger de nombreux officiers de toutes les nations en guerre (France, Autriche, Russie).
Or le scepticisme des révolutionnaires à l'égard de la religion fut bien plus décisif pour le sort de l’Abbae. Au XIXème siècle, ce scepticisme se répandit également largement dans le jeune canton d'Argovie. L'existence des grands et riches monastères était une épine dans le pied de beaucoup de citoyens. En 1841, le Grand Conseil d'Aarau décida la dissolution les monastères argoviens. Les moines de Wettingen avaient 48 heures pour quitter leur maison. Il fallut 13 ans pour que les cisterciens de Wettingen trouvèrent une nouvelle patrie à Mehrerau, près de Bregenz en Autriche où ils vivent encore aujourd'hui.
Les bâtiments de l'Abbaye furent ensuite affectés à une école normale. Le plus grand défenseur de la dissolution des couvents, Augustin Keller, devint recteur de l'école (voir aussi "Les pionniers de l'éducation en Argovie"). Il s'installa dans l'ancien appartement de l'abbé et dirigea l'école normale de manière aussi strictement cadencée que l'avait été la vie monastique auparavant.
En 1976, le gymnase de Wettingen fut fondé et s’installa dans les anciens locaux de l'Abbaye. Aujourd'hui plus de 1100 élèves y fréquentent le gymnase ou l'école de culture générale.
Le canton d’Argovie finit par vendre une grande partie des terrains et des bâtiments de la presqu'île à des hommes d'affaires. Johann Wild fonda une filature de coton très prospère au bord de la Limmat, dont le bâtiment marquant est aujourd'hui utilisé comme maison de la culture et de l'artisanat. D'anciennes maisons ouvrières sont encore habitées aujourd'hui.
Outre l'église richement décorée, c'est le cloître qui se distingue le plus avec ses vitraux montrant personnages historiques et armoiries. Ces vitraux furent créés par des artisans exceptionnels de toute l’Europe. Ils sont généralement arrivés à l'Abbaye de Wettingen sous forme de don.
A partir du 1er avril 2022, le Musée d'Argovie ouvre un musée à l'extérieur et dans certains espaces intérieurs de l’abbaye. Avec le projet "Schule macht Museum", le musée s'engage aussi dans une nouvelle voie. Il ne s'agit pas d'une exposition permanente, mais d'une mise en scène changeante avec une médiation personnelle et interactive sur les thèmes "foi, pouvoir, savoir". Les élèves établissent le concept de musée, le concrétisent et le portent.